L’économie sociale pour combattre l’inflation


L’inflation est sur toutes les lèvres. Tout le monde en parle, tout le monde la vit. Si les observateurs s’entendent pour dire que ses causes sont multiples, comment se fait-il qu’on se rabatte presque uniquement sur deux mécanismes — budgétaire et monétaire — pour la contrer ?


En ce mois de l’économie sociale, parlons d’à quel point ce modèle est un levier fort pour à la fois combattre l’inflation, ses impacts, et augmenter notre résilience face aux cycles économiques.

Simplement, l’économie sociale rassemble les activités économiques des coopératives, OBNL et mutuelles qui œuvrent notamment dans la vente ou l’échange de biens et services selon certains principes. Contrairement aux entreprises privées conventionnelles, les entreprises d’économie sociale n’ont pas pour but de réaliser des profits, mais plutôt de répondre aux besoins de leurs membres ou de leur collectivité, tout en étant rentables pour continuer à exister.

Ça change tout.

Une question de motivations

Une étude récente de l’Université Dalhousie démontre que les trois principaux épiciers du Canada ont affiché des profits plus élevés cette année qu’au cours des cinq dernières années.

Pleurons sur le ridicule de cette situation : alors que de plus en plus de familles ont de la difficulté à se nourrir et dépendent des banques alimentaires, nos épiciers ont travaillé à augmenter leurs profits — et ont réussi ! Très bien même.

Ce constat n’est pas unique au secteur alimentaire : une note récente de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) avance que les entreprises privées auraient vu leurs profits bondir de 91 milliards de dollars au cours de la dernière année, et qu’une part de l’inflation actuelle serait causée par une croissance de la marge de profits des entreprises.

Une question de société s’impose : les besoins de base de la majorité de la population québécoise, telle que l’alimentation, peuvent-ils vraiment reposer uniquement sur des entreprises privées motivées avant tout par les profits ? À tout le moins, les profits faramineux récents d’entreprises et les difficultés économiques que nous subissons démontrent que le modèle actuel a un coût.

Baisser les prix par la compétition

Je dis souvent que dans la vie, on a deux choix : s’organiser ou se laisser organiser.

Les entreprises collectives sont avant tout des gens qui coopèrent — qui s’organisent — pour répondre à un besoin commun. Parfois, c’est pour combler l’absence d’un service essentiel, comme dans le cas des entreprises d’économie sociale en aide à domicile, des coopératives de santé, ou d’alimentation. Dans d’autres cas, les entreprises collectives servent à combattre des monopoles.

On pense alors à certaines entreprises collectives locales et régionales de télécommunications ou aux efforts de création de coopératives funéraires dans les années 1990. Dans ces cas, les entreprises collectives non seulement servent à offrir des services à prix plus abordables, mais également contribuent, d’une certaine manière, à réguler les marchés et à briser des monopoles qui, à terme, causeraient nécessairement une hausse des prix pour les consommateurs.

Ces communautés ont pris les choses en main. Elles choisissent de s’organiser plutôt que de se laisser organiser.

Mutualisation des ressources

Autre levier important de l’économie sociale : la mutualisation. Afin de vous illustrer le concept et sa pertinence face aux enjeux économiques actuels, prenons l’exemple de la mutualisation des ressources humaines.

La pénurie de main-d’œuvre représente un défi important pour les entreprises et la conséquence directe pour le consommateur est l’augmentation des prix. Pour y faire face, plusieurs entreprises collectives d’ici choisissent de mettre en commun — de mutualiser — des ressources comme des comptables, des conseillers juridiques, en ressources humaines, en communication, et plus encore. Elles ont ainsi accès aux expertises nécessaires à l’accomplissement de leur mission à prix significativement moindre que les alternatives.

De surcroît, en plus de s’éviter de longs et coûteux processus d’embauche, ces entreprises collectives amenuisent les risques liés au départ d’employés essentiels et paient seulement pour les services, dont elles ont réellement besoin.

C’est ce qui a été réalisé au Consortium de ressources et d’expertises coopératives, où plus de 150 entreprises d’économie sociale et regroupements se sont associées pour se donner accès à près de 80 experts aux spécialités variées.

La mutualisation est également une façon pour les entreprises d’économie sociale d’économiser sur leurs approvisionnements, en se regroupant pour faire des économies d’échelle sur l’achat de biens et services par exemple. Ces économies, plutôt que de servir à gonfler les profits, servent à réduire les prix ou à bonifier l’offre de biens et services disponible pour les membres ou leur communauté.

Bâtir une économie plus résiliente

Enfin, les solutions qu’apportent l’économie sociale aux enjeux économiques actuels sont non négligeables. Face aux bouleversements économiques que 2023 semble nous réserver, elle est gage de stabilité et de résilience.

Ce n’est pas pour rien que, selon l’étude sur le taux de survie des coopératives, réalisée en 2022 par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), 44,4 % des coopératives sont toujours en service après 10 ans contre 19,5 % pour l’ensemble des entreprises québécoises !

La différence est majeure ! Ces entreprises, qui placent le bien commun avant tout, servent souvent les personnes les plus affectées par les cycles économiques.

On contribue donc à la fois à augmenter la résilience de notre économie, tout en diminuant les impacts négatifs des cycles économiques sur la population.

Il me semble qu’on tient quelque chose, non ?



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