Bleu, vert, jaune ou rouge… La méthode Disc est-elle vraiment efficace en management ?

Des couleurs primaires. Andy Warhol en a fait une marque de fabrique façon pop art. Sa Norma Jean est envoûtante. « Marilyn peint sa bouche. Elle pense à John. Rien qu’à John… » – comme chantait Vanessa Paradis. Le génial et abscons Soulages les a peut-être mélangées dans sa monochromie noire obsédante. Quant aux autres, ils dessinent, gribouillent et peignent leur monde intérieur avec une teinte de prédilection. Elle en révèle beaucoup (trop) sur ce qu’ils sont. En 1928, le psychologue William Moulton Marston théorise que nos comportements proviennent de quatre types d’énergie : Dominance (D), Influence (I), Stabilité (S), et Conscience (C). Vingt-huit ans plus tard, un autre psychologue, Walter Vernon Clarke, construit un test de personnalité qui s’appuie sur le Disc et le colorie : le profil rouge correspond au dominant ; le jaune à l’influent ; le vert au stable et le bleu au consciencieux. Marketing génial sur deux axes, horizontal et vertical. Quelles couleurs pour Marilyn, John, Andy et Pierre ? Et « qu’en fait-on ensuite ? » interroge Dalale Belhout, directrice au sein de la Fondation Face (Fondation Agir contre l’exclusion).

« Le problème est la mise en application de ces tests »

« Disc comme d’autres tests n’a d’utilité que si on met en application les éléments identifiés », commente l’ancienne responsable du contenu chez DigitalRecruiters. « Intéressant pour recruter sur des postes de décideurs ou de vendeurs, pas forcément de comptable. » Du bon sens : « Eviter de mettre ensemble cinq dominants dans un même groupe. » Même si la gamme va du rouge coquelicot au rouge cardinal, c’est sur la palette rouge colère voire rouge sang que cela pourrait se terminer. Le Disc comme nuancier des RH est un bon outil de base « pour un équilibre intelligent ». « Le problème est la mise en application de ces tests », déplore la coauteure de Recrutement digital : 8 étapes à maîtriser pour recruter vite et bien (DigitalRecruiters). Trop souvent, les candidats n’ont pas de retour. Les managers n’en ont pas davantage et découvrent une personnalité qui devra s’adapter alors que Disc devrait au contraire leur permettre d’adapter le management en fonction du style comportemental détecté.

Une partie des capacités de leadership sont héréditaires

Mais quelle est l’utilité des tests ? « 85 % des personnes ne se connaissent pas vraiment. Par ailleurs, on constate que l’être humain a tendance à se surestimer, et, a minima, se croire supérieur à la moyenne dans de nombreux domaines. Les questionnaires de personnalité permettent de cultiver une forme de connaissance de soi, et d’objectiver ou de structurer les décisions », indique Emeric Kubiak, directeur science chez AssessFirst. « Le Disc et d’autres questionnaires de personnalité typologiques réputés ne sont pas des indicateurs fiables à prendre en compte lors d’un recrutement. Notamment le MBTI [NDLR : Myers Briggs Type Indicator], qui ne repose sur aucun fondement scientifique, et dont la construction même relève de la pseudoscience. Il est démontré que, dans 50 % des cas, ce test, passé à quelques semaines d’intervalle, donnera des résultats différents. » Pour le psychologue du travail, les recruteurs devraient se demander comment et avec quels outils évaluer la personnalité : « L’erreur du Disc ou du MBTI réside dans le fait de considérer la personnalité comme une variable qualitative, plutôt que quantitative : les tests typologiques, qui vous donnent un type de personnalité, ont tendance à mettre les gens dans des cases. » Or, les recherches en psychologie montrent que la personnalité doit se considérer de manière quantitative et continue, et non pas typologique. « Chaque trait de personnalité peut être « scoré » selon un continuum de 1 à 10. On parle de tests factoriels, où la personnalité est considérée au travers de différents traits de personnalité. » Une approche « scientifiquement et empiriquement soutenue », privilégiée chez AssessFirst, avec des questionnaires pour découvrir, seul, ses points forts. Puis les améliorer avec un professionnel : plan d’action solide, déploiement du plan puis évaluation pour constater l’évolution. « Les études scientifiques montrent qu’une partie des capacités de leadership sont héréditaires et stables. On ne pourra pas transformer une personne. Seuls 20 à 30 % de progrès dans les meilleurs accompagnements sont possibles », affirme l’expert. Un souci si les nominations résultent de biais cognitifs loin des qualités d’un leader. « Les questionnaires de personnalité sont hyper importants dans ce cadre : ils permettent de dépasser les biais, pour se recentrer sur le potentiel réel de la personne. » Memento mori : même vêtu d’une toge rouge, on reste un bleu !



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