Défaut de la dette américaine : risque-t-on vraiment une « crise économique mondiale » ?


Comme à de nombreuses reprises depuis les années soixante, les États-Unis ont atteint le plafond de leur dette. Les républicains utilisent cet événement économique pour forcer les démocrates à la négociation sur les dépenses sociales, et bloquent pour l’heure toute négociation sur le relèvement du plafond. En cas d’échec de cette bataille politique, les économistes craignent un défaut de paiement qui pourrait détruire l’économie du pays le plus riche du monde, et engendrer une crise financière planétaire.

Que se passe-t-il avec la dette américaine ?

Jeudi 19 janvier 2023, les États-Unis ont atteint leur plafond d’endettement, soit le niveau maximum de ce qu’ils peuvent emprunter pour faire fonctionner le pays. La limite actuelle fixée à 31 000 milliards de dollars vient d’être dépassée. Cette situation n’a en soit rien d’exceptionnel : le plafond de la dette des USA a été modifié à de très nombreuses reprises depuis 1960 – le Congrès a les pleins pouvoirs pour le relever lorsque c’est nécessaire.

Mais comme souvent, c’est un bras de fer entre démocrates et républicains qui menace le fonctionnement du pays. La très fine majorité républicaine de la Chambre des représentants refuse de voter ce relèvement, car elle veut profiter de cette occasion pour faire pression sur les démocrates et obtenir plusieurs baisses de dépenses, notamment sur les mesures sociales engendrées par l’application du programme de Joe Biden.

Cette une bataille politique entre les deux camps resurgit régulièrement depuis une trentaine d’années. Cette fois, néanmoins, le Congrès est non seulement très divisé, mais le parti Républicain est lui-même tenu à la gorge par des factions extrêmes, notamment un groupe parlementaire nommé « Freedom Caucus ». Archi-conservateur, antifiscal (il est par exemple fermement opposé au système d’assurance santé Obamacare) et parfois libertarien, ce dernier pourrait refuser de céder dans les négociations avec les démocrates.

Quels sont les dangers en cas de défaut de paiement ?

Personne ne sait exactement ce qu’il se passerait, car les États-Unis n’ont jamais véritablement atteint le stade du défaut de paiement auparavant. Mais Janet Yellen, la secrétaire au Trésor américain, s’est exprimée depuis Dakar ce vendredi 20 janvier pour mettre en garde contre ce qui pourrait devenir selon elle, si les négociations politiques n’aboutissent pas, une « crise économique mondiale ».

Dans un premier temps, un défaut de paiement provoquerait « à coup sûr une récession aux Etats-Unis », due à « l’incapacité à réaliser un paiement, qu’il s’agisse de nos obligations en matière de dette, vers les bénéficiaires des dépenses sociales ou nos militaires, a-t-elle estimé sur CNN. « Nos coûts d’emprunt augmenteraient, et chaque Américain verrait les siens suivre la même tendance », a-t-elle détaillé, estimant que « beaucoup d’Américains perdraient leur travail ». Un plongeon de Wall Street et une perte de confiance dans le dollar, utilisé partout dans le monde comme monnaie de transaction stable, pourraient ainsi faire se propager la récession, comme cela avait été le cas en 2008.

À l’automne 2011 sous la présidence de Barack Obama, la menace imminente d’un défaut de paiement de la dette (qui n’a finalement pas eu lieu) avait suffi à faire plonger les marchés financiers et à faire baisser la note attribuée aux Etats-Unis par l’agence S & P. De « AAA », la note la plus haute possible, elle était alors passée à « AA + « . Cette « dégradation reflète notre vue que l’effectivité, la stabilité et la prédictibilité de la politique et des institutions politiques américaines ont été affaiblies », avait à l’époque précisé l’agence. Les Etats-Unis n’ont depuis jamais récupéré leur triple A.

Quelle est la solution ?

Pour pouvoir respecter les engagements et obligations financières déjà autorisés par le Congrès, sans entrer en défaut de paiement imminent, la secrétaire du Trésor américain a annoncé vendredi la mise en place de « mesures extraordinaires ». C’est-à-dire de tours de passe-passe administratifs qui achètent un peu de temps au gouvernement. Les États-Unis vont par exemple arrêter – temporairement – les versements à plusieurs fonds de retraite, de santé ou d’invalidité pour des agents publics et des anciens militaires, et mettre en place « une période de suspension d’émission de dette ». Ces mesures combinées devraient leur permettre de repousser la date à laquelle ils entreront en défaut jusqu’au 5 juin. Après cela, c’est la grande inconnue.

La proposition quelque peu mystique de la « pièce de platine » a même refait surface : certains proposent de faire frapper par le Trésor une pièce de platine d’une valeur de 1 000 milliards de dollars, qui achèterait plus de temps au gouvernement. Mais Janet Yellen a repoussé cette idée peu réaliste, déjà mise sur le tapis puis écartée de nombreuses fois depuis 2011 pour éviter les négociations politiques.

La seule solution long terme, donc, réside dans les négociations qui devront avoir lieu entre les républicains et les démocrates de la Chambre des représentants avant le 5 juin, sans quoi l’économie américaine pourrait s’effondrer dès l’été.

Où en sont les négociations ?

En 2021, la dernière fois que les États-Unis ont atteint la limite d’emprunt du pays, les deux partis avaient conclu un accord de court terme pour relever le plafond de la dette de 2 500 milliards de dollars, à deux semaines du défaut de paiement.

Cette fois, le « speaker » Kevin McCarthy exige des démocrates qu’ils accordent aux républicains des baisses dans les dépenses publiques pour gagner leur soutien. « Nous devons changer la façon dont nous dépensons de l’argent inutilement dans ce pays, et nous allons nous assurer que cela se produise », a-t-il assuré. Vendredi 20 janvier, le président Joe Biden a promis aux républicains qu’il y aurait des « débats honnêtes » sur la manière de faire face à la dette grandissante du pays. « J’accepte votre invitation à m’asseoir et à discuter d’une augmentation responsable du plafond de la dette pour faire face aux dépenses publiques irresponsables », a répondu McCarthy par la suite, dans un communiqué publié sur Twitter.

Leur rencontre a été confirmée dans la soirée par la Maison Blanche, à une date pour l’instant inconnue. « Le relèvement du plafond de la dette n’est pas négociable », a fermement précisé la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, ajoutant que « c’est une obligation pour ce pays et ses dirigeants d’éviter le chaos économique. »





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