Emploi des seniors : "Les mesures coercitives sont contre-productives"

Réformer les retraites… Mais comment faire en sorte que les seniors restent en activité et ne se retrouvent pas au chômage ou en longue maladie ? L’exécutif a déjà prévu un certain nombre de mesures pour améliorer l’emploi des seniors, notamment la mise en place d’un « index », qui permettra de distinguer les bons et les mauvais élèves. Une idée qui laisse sceptique les syndicats et braque le patronat. Mais le gouvernement pourrait aller plus loin dans la contrainte. C’est en tout cas ce qu’ont laissé entendre Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, et Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. Pour Eric Heyer, économiste à l’OFCE, ces mesures coercitives « risquent au contraire de pénaliser les seniors ».

L’Express : Le week-end dernier, l’exécutif a ouvert la porte à des mesures plus « coercitives » afin de favoriser l’emploi des seniors. Doit-il effectivement aller plus loin ?

Eric Heyer : Sur le marché de l’emploi, les mesures d’âge ne sont jamais une bonne idée, et peu importe qu’elles soient destinées à stimuler ou pénaliser certains comportements. Prenons par exemple l’idée de baisses de cotisation pour les seniors : celles-ci auraient certes un impact positif sur leur taux d’emploi, mais elles auraient un effet négatif sur les personnes qui se trouvent juste en dessous de la limite d’âge. Quant aux mesures coercitives, elles risquent au contraire de pénaliser les seniors, nous l’avons bien vu avec la contribution Delalande (une taxe que devaient payer les entreprises qui licenciaient des salariés de plus de 50 ans, supprimée en 2008, NDLR). A cause de cette mesure, les entreprises ne voulaient plus les embaucher.

Ne faut-il tout de même pas rendre l’index senior plus coercitif et prévoir une amende s’il n’y a pas d’amélioration des indicateurs ?

Non, pas forcément. Pour le moment, le gouvernement a prévu une amende seulement si l’index n’est pas publié et cette obligation me paraît suffisante. Cette mesure ne résoudra pas complètement le problème de l’emploi des seniors, mais elle peut tout de même avoir un impact positif. Aujourd’hui, les personnes qui répondent à une offre d’emploi ne regardent plus seulement le salaire, mais elles s’intéressent également aux conditions de travail, à la parité, aux comportements de l’entreprise, etc. Si les indicateurs sont bons, l’index senior pourrait devenir un élément d’attractivité pour les entreprises. D’autant plus dans un contexte de difficultés de recrutement.

Si l’index n’est pas suffisant et que les mesures incitatives ou coercitives sont contre-productives, que faut-il faire pour améliorer l’emploi des seniors ?

Aujourd’hui, les entreprises ne veulent plus faire travailler les seniors, car ils représentent un coût trop important par rapport à leur productivité, et les salariés sont quant à eux contents de pouvoir obtenir une rupture conventionnelle, car ils sont usés, fatigués ou démotivés. Il faut donc jouer à la fois sur l’offre et la demande de travail. Du côté de l’entreprise, soit on arrête de faire progresser automatiquement les salaires avec l’ancienneté, soit on essaye de faire en sorte que la décroissance de la productivité n’existe plus, grâce à la formation.

Et du côté des salariés, la réponse se trouve également dans la formation, afin qu’ils puissent être épanouis dans leur travail, voire connaître une seconde carrière, surtout s’ils doivent travailler 43 ou 44 ans… Mais n’attendons pas qu’ils soient seniors pour les former : il faut le faire bien avant. Il faudrait également revoir le management « à la française », trop rigide et vertical, afin que les salariés restent épanouis dans leur travail jusqu’à l’âge du départ à la retraite et demeurent productifs. En ce qui concerne l’État, son rôle est de faire le tri dans l’offre de formation, afin de s’assurer de la qualité de ce qui est proposé. Enfin, pour améliorer l’emploi des seniors, il faut améliorer le taux d’emploi global. Le gouvernement a certes affiché un objectif de plein-emploi, et veut inciter les chômeurs à se remettre au travail, mais il faudra sans doute d’autres mesures plus concrètes pour l’atteindre.



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