En Europe, le marché unique fête ses 30 ans, entre satisfaction et désillusion


« Des heures et des heures d’attente à l’arrière de la voiture. » Lorsqu’il pense à l’Europe d’avant la fin des frontières, Marco Nocivelli se souvient d’abord de la patience dont il fallait s’armer pour passer d’un pays membre à l’autre, comme entre la France et l’Italie. « Certains véhicules étaient fouillés, il fallait montrer ses papiers, toujours prévoir de la marge. Et c’était pire encore pour les produits que nous fabriquons : des certifications différentes étaient exigées par chaque capitale, une sacrée paperasse », se remémore le PDG d’Epta, un spécialiste italien du matériel de réfrigération commerciale.

Créée par son père dans les années 1960, cette entreprise familiale est aujourd’hui implantée dans la plupart des pays européens. « Mais, depuis quelques mois, notre site anglais a toutes les peines du monde à exporter à cause du retour des frontières lié au Brexit. Cela nous rappelle un peu brutalement comment le marché unique, dont le Royaume-Uni est sorti, a simplifié notre quotidien. »

Il y a trente ans, en janvier 1993, la libre circulation des biens, services, personnes et capitaux était instaurée entre les Etats membres de l’Union européenne (UE). Objectif : renforcer un peu plus encore l’intégration de leurs économies, amorcée en 1951, au sortir de la seconde guerre mondiale, avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

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« Depuis trois décennies, le marché unique constitue le fondement de l’UE », se félicitait Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, le 3 janvier. Le commissaire au marché intérieur, le Français Thierry Breton, lui, définit sa création comme un « électrochoc ». « Il a donné à l’Europe les moyens de façonner, enfin, son destin politique et économique », a-t-il déclaré à Prague, début décembre 2022.

Beaucoup d’experts se montrent plus nuancés. A l’exemple de Cinzia Alcidi, du Centre d’études politiques européennes, un institut de réflexion bruxellois : « L’instauration du marché unique a eu des bénéfices énormes, mais il n’a pas apporté que du bon. » « Il a aussi suscité des déceptions et reste fragmenté dans certains domaines, comme le numérique ou les capitaux », reconnaît André Sapir, économiste au centre de réflexion bruxellois Bruegel.

« Harmonisation des normes »

Du côté des bénéfices, la fin des frontières et des barrières non tarifaires – comme la reconnaissance mutuelle des normes – a fluidifié les échanges et permis aux grandes entreprises, qui ont été les premières à en profiter, d’engranger des économies d’échelle.

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