"Il n’a jamais peur" : Charles de Courson, le cauchemar du gouvernement Borne

« Une attaque de cormoran, c’est pire qu’un bombardement allemand en piqué ! J’ai vu des poissons, des milliers de tanches terrorisées, il est intolérable que les ministres successifs protègent ces cormorans nazis ! ». Octobre 2014, Charles-Amédée de Courson, député de la Marne, élégance corsetée du hobereau, cheveux peignés et cravate nouée haut, le dos raide et cette emphase, au risque du ridicule. Tout à ses tanches terrorisées, il faut l’observer se rasseoir, impassible, feignant de ne pas entendre l’immense rire étreignant l’hémicycle ; qu’ils se moquent ces élus des villes pourvu qu’on en finisse avec ces saletés de cormorans. C’est que le parlementaire est chasseur. Ah ces passées du soir, l’heure mauve où les étangs s’endorment, veste cirée, bottes humides, des heures à humer le vent, puis son fusil ajusté. Paf ! A l’Assemblée nationale, où il siège depuis trente ans, sept mandats, recordman de France, il flingue aussi, parfois seul, parfois en bande, petite bande jusque-là. L’un des 11 députés UDF à voter la motion de censure de gauche contre le gouvernement Villepin. Contre les avantages sociaux en Corse, contre l’arbitrage en faveur de Bernard Tapie, président de la commission d’enquête dans l’affaire Cahuzac. 2016, présidence Hollande, la déchéance de nationalité pour les terroristes, et lui, sanglots étranglés, évoquant 1940, son grand-père maternel, l’un des 80 parlementaires ayant voté contre les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. 2019, présidence Macron, il prophétise le retour du « régime de Vichy », scandalisé par « la présomption de culpabilité » qu’abrite à ses yeux la loi anticasseurs.

Charles de Courson porte un nom, il s’en est fait un. Virtuose du sérieux budgétaire, conservateur assumé, ardent défenseur des libertés fondamentales et de l’Etat de droit. En cette électrique semaine de mars, le député du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot, 20 élus) s’est mué en aimant. Dans sa besace, de quoi possiblement faire tomber le gouvernement Borne, ou tout au moins lui faire faire des calculs paniqués et quelques sales cauchemars : sa motion de censure transpartisane, déposée le 15 mars, est la seule que pourraient signer tous les opposants à la réforme des retraites. Drôle de période, où ce farouche centriste, magistrat de la Cour des comptes, 70 ans, deux particules en héritage, n’ayant jamais allumé un ordinateur ni écrit un texto, devient égérie de LFI, mascotte de la Nupes. Ce 6 février déjà, ils l’ovationnent quand il s’indigne que la présidente de l’Assemblée n’examine pas sa motion réclamant un référendum sur la réforme des retraites. Encensé par Mediapart, le petit homme sait y faire, sans éclat, ni vocifération. « Il n’est pas fébrile, il est serein », confirme son vieil ami Hervé Morin, le président centriste de la région Normandie, que le député a appelé samedi aux Etats-Unis, « et il n’a jamais peur ».

Terreur de tous les ministres du Budget depuis 1993

Courson conspue la réforme des retraites, outré du véhicule législatif emprunté, enrageant qu’un texte minoritaire puisse être imposé par un 49.3, sans vote. Sur toutes les ondes, il l’a dit, répété : « détournement de procédure », « déni de démocratie », « pure folie », « acharnement du président ». Sauf que son épaule tressaille, hoquette. Ses amis s’en inquiètent, il finit chaque hiver en cure de sommeil à l’hôpital, burn-out annuel, décembre, examen de la loi de finances, et lui, terreur de tous les ministres du Budget depuis 1993, débusquant les entourloupes et les calculs hâtifs jusqu’à l’épuisement. Il n’a jamais cru en Emmanuel Macron, a toujours pensé que l’intelligence ne suffirait pas, que le nouveau monde était une esbroufe. Pessimiste, il voit la dette enfler, les finances publiques gonfler. « Quand nous tenons notre réunion annuelle du Nouveau Centre, c’est lui qui nous expose la situation budgétaire du pays, et chaque fois, il nous annonce l’apocalypse », sourit Hervé Morin. Il croit que cette réforme des retraites, « médiocre, injuste », ne guérira rien, pire, qu’elle attise le ressentiment, la colère sociale. Demain, Charles de Courson retrouvera sa grande maison de Vanault-les-Dames, 386 habitants. L’électricité et la plomberie datées de 1950, mouches séchées sur les rebords des fenêtres, sur la table, une soupe, un poisson de l’étang, un fruit. Il se fiche du confort, de la modernité, il regarde ses bottes de chasseur, son fusil tiède. Un membre de sa famille a toujours siégé à l’Assemblée depuis la Révolution française. Son aïeul, le marquis de Saint-Fargeau vota en 1793 la mort du roi. De lui, il a hérité ce dos raide.



Lire plus

About The Author

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

CAPTCHA