Le destin contrarié du libéralisme : l'analyse de Francis Fukuyama

Le politologue américain Francis Fukuyama a acquis une notoriété mondiale grâce à un essai paru en 1992 dans lequel, commentant la disparition de l’URSS, il postulait la « fin de l’Histoire ». Faisant ainsi ironiquement allusion à une formule célèbre de Karl Marx, il affirmait, à rebours des théories marxistes, la supériorité intrinsèque et la solidité historique de la démocratie et du libéralisme. Son propos, qui n’était pas de prétendre que l’humanité entrait dans une période de sérénité et de calme politique, a malheureusement été abondamment caricaturé.

Trente après ce coup d’éclat, il revient sur les bienfaits du libéralisme dans un livre publié en français sous le titre Libéralisme, vents contraires. Pour l’auteur, la première force du libéralisme tient à la faiblesse de ses adversaires. La gauche se perd désormais dans des considérations sur les discriminations sexuelles ou raciales dont l’extrémisme l’éloigne d’une grande majorité de la population et la condamne à chercher la prééminence culturelle plutôt que l’exercice concret du pouvoir politique. Quant à la droite radicale, une fois parvenue au pouvoir, elle déçoit ses électeurs en gardant un discours appuyé sur la morale, voire la religion, et la grandeur nationale, sans se montrer capable de répondre aux problèmes de ses soutiens.

De façon plus positive, le libéralisme a l’avantage d’offrir le bien-être individuel né de la liberté, le bien-être économique issu de la croissance qu’il favorise, le bien-être politique conséquence de la mise en place d’institutions démocratiques. Pourtant, le livre parle le concernant de « vents contraires »… En effet, depuis la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est, les démocraties occidentales ont accumulé les déconvenues. La grave récession de 2009, la descente aux enfers de la Grèce en 2010, l’élection de Trump, le Brexit, autant de chocs qui ont ébranlé les certitudes sur l’avenir du libéralisme.

Pour Fukuyama, le problème actuel du libéralisme serait son dévoiement en « néolibéralisme », symbolisé par Reagan et Thatcher. Ce « néolibéralisme » aurait eu tort d’ignorer le creusement des inégalités, la désindustrialisation consécutive à la mondialisation, le danger de privilégier le consommateur par rapport au producteur. Or, à y regarder de plus près, ce néolibéralisme reprend simplement la défense de la concurrence nationale et internationale et l’appel à un Etat modeste qui se trouvaient dans le libéralisme historique d’Adam Smith, de David Ricardo ou de Benjamin Constant dont il se réclame. En réalité, cette opposition que relève l’auteur de « La Fin de l’histoire » entre le libéralisme et sa version récente devrait conduire les partisans néolibéraux d’aujourd’hui à affiner leur programme, s’ils veulent continuer à convaincre.

Libéralisme, vents contraires

par Francis Fukuyama. Saint-Simon, 170 p., 21 €.

Note : 4/5



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