Projet pétrolier en Alaska : pourquoi le feu vert de Biden est vu comme une trahison par les écologistes

La décision est vécue comme une trahison par les associations environnementales. Lundi 13 mars, l’administration de Joe Biden a approuvé un projet pétrolier géant dans la steppe d’Alaska. Nommé « Willow » et piloté par le géant américain ConocoPhillips, le projet sera situé à l’ouest sur les terres appartenant à l’Etat américain, dans une zone appelée la « réserve nationale de pétrole ». Elle sera « l’une des exploitations de pétrole et de gaz les plus grandes sur des terres fédérales publiques dans le pays », pointe l’organisation environnementale Sierra Club.

Le président démocrate affirmait pourtant vouloir faire de la lutte contre le réchauffement climatique l’une de ses luttes majeures. Sur la question spécifique des forages pétroliers, il avait débuté son mandat par l’annulation de permis autorisés par Donald Trump dans la zone protégée à l’Est de l’Alaska, « l’Arctic National Wildlife Refuge ». Il avait également promis, en arrivant au pouvoir de ne pas autoriser de nouveaux forages pétroliers et gaziers sur les terres fédérales, et avait réitéré l’engagement du pays, pris à occasion de l’Accord de Paris, de réduire de 50 à 52 % d’ici 2030 par rapport à 2005 les émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis.

Lorsque deux engagements politiques entrent en collision

La désillusion a commencé quelques mois après l’élection de Joe Biden, dès mai 2021, lorsque son administration a créé l’émoi en commençant à défendre le permis accordé à ConocoPhillips par Donald Trump en 2020. Quelques jours avant, les sénateurs républicains d’Alaska Dan Sullivan et Linda Murkowski, favorables au projet étaient allés plaider leur cause dans le Bureau ovale de Joe Biden. Une rencontre qui semble avoir suffi à convaincre le président démocrate.

Alors que Joe Biden avait fait de l’emploi – en particulier celui des minorités – l’un des autres grands engagements de son mandat, le forage Willow, premier grand projet en Alaska depuis des années, dispose d’arguments en ce sens. Selon l’entreprise, il permettra la création de 2 500 emplois dans le bâtiment et d’environ 300 emplois long terme, et l’exploitation sera construite avec « des matériaux essentiellement fabriqués et venant des Etats-Unis ».

Sans compter les autres arguments économiques : le forage devrait permettre la production de 576 millions de barils de pétrole sur environ 30 ans, et rapporter près d’1,2 milliard de dollars. Les élus d’Alaska au Congrès américain se sont félicités de la nouvelle ce lundi. « On peut presque littéralement sentir l’avenir de l’Alaska s’éclaircir », a déclaré dans un communiqué la sénatrice républicaine Lisa Murkowski. « Nous sommes maintenant sur le point de créer des milliers de nouveaux emplois, et de générer des milliards de dollars en nouveaux revenus », a-t-elle ajouté.

L’équivalent de 64 centrales à charbon

Malgré cette approbation, le ministère en charge des terres fédérales aux Etats-Unis tente de minimiser les conséquences du projet : celui-ci a été réduit à trois zones de forage contre les cinq initialement demandées par l’entreprise, fait-il valoir.

Mais même après cette réduction de superficie, le projet Willow entraînera à lui seul l’émission indirecte de 239 millions de tonnes de CO2. Cela représente l’équivalent des émissions de 64 centrales à charbon durant un an, selon un outil de calcul de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) utilisé par l’AFP. Pour donner un ordre de grandeur : les Etats-Unis ont relâché en 2020 l’équivalent de 5,9 milliards de tonnes de CO2, selon l’EPA. « La pollution carbone qu’il va relâcher dans l’air aura des effets dévastateurs pour nos populations, la vie sauvage, et le climat. Nous allons en subir les conséquences pour les décennies à venir », dénonce encore Sierra Club.

Le gouvernement américain, qui n’est pas à une contradiction près, a également annoncé travailler sur des protections supplémentaires pour une vaste zone de la réserve nationale de pétrole, et vouloir interdire de façon permanente les forages sur une grande zone de l’Océan Arctique, bordant cette réserve. Dans un communiqué, la présidente de l’organisation Earthjustice, Abigail Dillen, a pointé du doigt une contradiction qui saute aux yeux : « Nous savons que le président Biden comprend la menace existentielle du climat, mais il approuve un projet qui fait dérailler ses propres engagements climatiques. »



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