Réunionite aiguë : apprenez à dire stop !

Promettre à plusieurs personnes à la fois qu’on les verra, cela fait partie de notre quotidien social et professionnel. Le faire en même temps – sauf dans un amphi ou au restau – impossible, tant que nous ne sommes pas clonés, même si le don d’ubiquité, grâce aux outils numériques, permet déjà beaucoup. Le conflit d’agenda est la pire des situations qui puisse arriver et, pourtant, la multiplication de sollicitations nous condamne tous à l’erreur possible, évidemment à un moment où il est interdit de se tromper. Il reste alors à s’excuser ou à faire porter la responsabilité au destin ou à la stagiaire, voire le N-1, histoire de conserver sa superbe. Moche mais efficace, pensent ceux qui n’ont pas compris qu’une fois, c’est une fois de trop et qui essaient encore de faire entrer toutes ces réunions dans un minimum de temps, comme dans un jean trois tailles en dessous. « Les gens comptent sur moi et j’accélère. Je prends beaucoup sur moi mais j’accélère« , chante le rappeur Rohff. Jusqu’où ? Les cadres dans les entreprises de plus de 500 salariés assistent en moyenne à 6,3 réunions hebdomadaires contre 2,7 pour ceux dans celles de moins de 50 (Ifop/Speechi, octobre 2021). « Mon opinion n’est rarement, voire jamais prise en compte par le management lors des décisions importantes », déplorent 78 % des cadres (Wisembly/Ifop, 2018). « On a tous vécu la réunionite aiguë », confirme Pascal Grémiaux, président d’Eurécia (entreprise de solutions RH 100 % web). Alors que le phénomène s’accentue, il propose d’autres remèdes que celui pratiqué par 64 % des cadres en visio : discuter en parallèle avec des collègues sur messagerie (Ibid).

Format pizza et en mode stand-up

Cet ancien d’Airbus se réfère volontiers à Jeff Bezos sur le nombre idéal de participants à une réunion : « 7 ou 8 au maximum, comme pour manger une pizza ». Oserait-on poursuivre l’analogie diététique avec une réunion aussi rare que la pizza doit l’être pour une bonne hygiène de vie ? Un salarié sur quatre ne voit pas la nécessité de sa présence en réunion, mais trois participants sur quatre n’ont pas le droit de s’y soustraire (OpinionWay/Empreinte Humaine, 2017). Pascal Grémiaux n’est toutefois pas de ceux qui voudraient supprimer les réunions et les remplacer par les mails ou les écrans. « La réunion est un outil de management important. C’est d’abord l’opportunité de confronter des idées, des besoins, des modes de fonctionnement et tout simplement d’être en relation ! On peut y détecter des signaux faibles, des grimaces, bref aussi désamorcer des problèmes qui apparaissent ».

Il préconise une méthode TOPP en quatre actes : préciser le thème (T) et l’objectif (O) de la réunion, n’y inviter que les participants indispensables (P), avoir un plan (P). Il y ajoute deux règles : s’en tenir au délai prévu et faire un compte rendu (48 % de cadres déplorent ce manque selon Wisembly/Ifop). « Resserrer sur un format d’une heure ou prendre 5 à 10 minutes le matin debout, en mode stand-up. C’est plus dynamique. Il est bon aussi de varier, faire des pique-niques à l’extérieur ».

« Une ou deux réunions par jour, c’est déjà beaucoup »

Pourtant, même après ces bonnes pratiques, les échecs peuvent survenir. Pascal Grémiaux propose d’autres règles. Pour que chacun ait le même niveau d’informations, il faut veiller à ce que les documents arrivent 48h avant la réunion. Au cours de la discussion, que chacun puisse s’exprimer. Il insiste sur les méthodes OSBD (Observer sans évaluer ; dire son Sentiment ; exprimer son Besoin sans agir ; Demander sans exiger) issue de la Communication Non Violente (CNV), créée par le psychologue américain Marshall Rosenberg (Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2016). Ces méthodes s’apprennent, tout comme l’expression orale pour ne pas être trop soporifique. Le manager peut créer ses propres rituels, pour se démarquer de son prédécesseur. Une météo des émotions en début de réunion, nommer un maître des horloges et un préposé au compte rendu pour impliquer au maximum les participants. Le manager doit recentrer le débat si les emportements sont trop libres, couper intelligemment la parole à celui qui ne la lâche pas. Trois derniers conseils : « Poser un cadre, rester vigilant ». Apprendre à dire « non », ou « plus tard » : « une ou deux réunions par jour, c’est déjà beaucoup si l’on fait la préparation et le compte rendu ». Se souvenir enfin qu’il n’y a que 24h dans une journée et que, selon le chercheur Norman Mackworth, notre vigilance décroît fortement après 30 minutes !



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