La Fresque du Climat : le jeu qui convertit la société civile à l’urgence environnementale


Humoristes, entrepreneurs, chefs d’orchestre, couvreurs ou même influenceurs, ils s’activent pour lutter contre le dérèglement climatique. Pour L’Express, les étudiants de l’Institut Pratique du journalisme Paris Dauphine sont partis à la rencontre de petits et grands acteurs de l’action climatique en France.

13h40. Les participants arrivent au compte-goutte dans un espace de travail collaboratif situé dans le 8e arrondissement de Paris. Une formation pour devenir animateur des ateliers de La Fresque du Climat y est organisée ce mercredi 24 mai. Célia encadre la séance sous la supervision d’Antoine, « fresqueur historique de l’association » comme il se présente, le sourire aux lèvres. Sa présence n’est pas habituelle. Il est là car Célia passe un nouvel échelon : d’animatrice elle devient formatrice, pour elle-même former ceux qui encadrent les ateliers.

Les premiers venus s’installent. « Tu peux prendre un café ou des cacahuètes », propose Célia à Bastien, un jeune consultant. L’ambiance est décontractée. Tout le monde se tutoie. Tout le monde partage une volonté commune : sensibiliser au dérèglement climatique.

14h. Les quinze participants sont arrivés. La réunion commence. Pile à l’heure. À La Fresque du Climat, les horaires comptent. « On respecte le timing ici, car trois heures c’est court », explique Célia d’un ton rieur. Car le but de l’association est ambitieux : vulgariser les causes et les conséquences du réchauffement climatique en montrant que tout est lié. Systémique. Tout cela, en trois heures. Top chrono.

Des objectifs précis

La fresque n’a pas pour rôle de former des experts du climat. D’ailleurs les formateurs eux-mêmes ne sont pas des scientifiques aguerris qui ont étudié le sujet de long en large. « L’idée est d’être en mesure de rendre compréhensibles les mécaniques du dérèglement climatique », précise Célia dès le début de la séance.

Si la fresque n’est pas animée par des scientifiques certifiés, elle se base sur le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Tous les chiffres, infographies et phénomènes expliqués lors des ateliers sont issus des rapports de l’organisation.

D’où la devise « décrypter, débattre et déclencher l’action ». L’association entend rendre accessibles les 3000 pages du rapport du GIEC. Un exercice délicat mais nécessaire pour Célia. « L’inaction est liée à la méconnaissance », justifie-t-elle.

Alors pour y arriver, un expert du dérèglement climatique, Cédric Ringenbach, a créé le jeu de la Fresque du Climat en 2015. Il consiste à disposer des cartes réparties en cinq lots sur une table. Cela permet de mieux visualiser les étapes du réchauffement de la planète et les liens entre différents phénomènes climatiques : par exemple, la fonte des icebergs perturbe le cycle de l’eau, qui lui-même joue sur la sécheresse et affecte la biodiversité terrestre.

Une formation à la portée de tous

14h45. Le projet de l’association présenté, Célia invite les participants à s’installer debout autour d’une autre table pour refaire en accéléré le jeu de La Fresque du Climat. L’atelier principal qu’ils pourront animer une fois la formation terminée.

Célia (au centre) discute avec les participants. Elle explique les cartes du jeu de la Fresque du Climat.

« C’est en fresquant qu’on devient fresqueur. » Comme le signale une des devises de l’association, tout citoyen peut se former pour animer et sensibiliser au dérèglement climatique. Dans la salle, chaque participant exerce un métier différent. Toutes les générations sont présentes. Avec des niveaux de connaissance du sujet très variés. Mais tous sont conscients de l’urgence.

« Dans les années 80, je votais déjà vert. » Carole n’a jamais vraiment eu de déclic. Elle a toujours été sensible aux questions environnementales. Mais c’est il y a quelques années seulement qu’elle s’est véritablement saisie du sujet. Aujourd’hui, elle participe à l’atelier pour devenir animatrice à la Fresque du Climat, pleine d’espoir pour sensibiliser les citoyens à l’urgence. « Après une fresque, on ne peut pas rester complètement indifférent, assure Carole, 54 ans. Cela permet de faire passer des messages. »

L’histoire est différente pour Bastien et Célia. Tous les deux se souviennent du moment précis où ils ont pris conscience de l’enjeu. Pour Célia, la première Fresque du Climat a été un électro-choc. « Depuis que je suis enfant, j’ai ces enjeux en tête. Mais avoir ces 42 cartes positionnées devant moi et voir que tout était lié m’a donné une grande claque », confie-t-elle. Depuis elle s’investit en animant des fresques et gravit les échelons pour devenir formatrice.

Bastien à quant à lui été saisi par une vidéo de Jean-Marc Jancovici. « J’y ai compris les conséquences du réchauffement climatique. Tout ce qu’il pouvait impliquer. » Une conférence qui l’a marqué. Le jeune consultant en ressources humaines cherche désormais à se réorienter professionnellement pour exercer un métier en accord avec ses valeurs écologiques.

Une volonté de se développer

Immense succès, la Fresque du Climat a dépassé le million de personnes formées en avril dernier et se retrouve traduite dans 46 langues. Il existe aussi 60 autres fresques. Le principe est le même mais le thème varie. Il y a la fresque de l’alimentation, celle de la biodiversité ou encore celle du numérique.

L’association s’est fixé un nouvel objectif : le million de « fresqueurs ». « C’est beaucoup plus puissant d’avoir un million de formateurs dans le monde qu’un million de formés », explique Antoine.

17h. Célia finit sa présentation. Timing respecté. Le ton est donné. Les 15 participants sont maintenant animateurs. Le temps est précieux. L’urgence climatique n’attend pas.



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