Haut-Karabakh : tout comprendre à l’offensive militaire dans l’enclave séparatiste


Si depuis plusieurs mois la situation dans le Haut-Karabakh semblait s’enliser un peu plus chaque jour, l’attaque de l’armée azérie fait craindre l’émergence d’un troisième conflit dans la région. Bakou a annoncé ce mardi 19 septembre avoir lancé des « opérations antiterroristes » et demandé le retrait « total et inconditionnel » de son adversaire arménien de cette région disputée. Une déclaration qui survient quelques heures seulement après la mort de quatre policiers et deux civils azéris dans l’explosion de mines.

« L’Azerbaïdjan a lancé une opération militaire de grande envergure contre la république d’Artsakh (le nom donné par les Arméniens au Haut-Karabakh, NDLR) », a indiqué sur Facebook la représentation des séparatistes en Arménie, quelques jours après que le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a jugé « très probable » la survenance d’une nouvelle guerre.

Quelques minutes seulement après que des tirs se sont fait entendre dans la région enclavée séparatiste, un premier bilan provisoire fait état de 5 morts et de 80 blessés. Des victimes qui s’ajoutent aux 6 500 personnes qui ont trouvé dans la mort au cours du conflit de 2020 qui a duré un mois et 14 jours. En marge de l’Assemblée générale de l’ONU qui se tient à New York, la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna a notamment dénoncé « l’utilisation d’armes lourdes y compris dans des zones habitées ».

Aucun accord de paix conclu depuis la guerre de 1990

Il faut dire que malgré la défaite de l’Arménie face à l’Azerbaïdjan en 2020, et le cessez-le-feu parrainé par la Russie qui a depuis déployé des troupes dans le Haut-Karabakh, la région reste le théâtre de nombreuses tensions, allant parfois même jusqu’aux échauffourées meurtrières. Plus de trois ans après la fin du conflit, les deux belligérants n’ont d’ailleurs scellé aucun accord de paix à ce jour. Et pour cause, l’épineuse question du Haut-Karabakh, sous le joug des Azéris depuis maintenant trois ans, n’est toujours pas réglée. Or, dans ce conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan depuis plus de 30 ans, le Haut-Karabakh occupe une place centrale.

Tout commence à la fin des années 80, sur fond de dislocation du bloc soviétique. Le territoire du Haut-Karabakh, partie intégrante de l’Azerbaïdjan peuplée en majorité par des Arméniens de confession chrétienne, proclame son indépendance. Une première guerre éclate alors entre sécessionnistes arméniens et l’armée azérie. Les deux ex-républiques soviétiques du Caucase s’enlisent dans un conflit qui cause la perte de dizaine de milliers d’hommes et de femmes. Près de six ans après le début des premières hostilités, les discussions chapeautées par la Russie, les Etats-Unis et le France, réunis au sein du groupe de Minsk, parviennent à aboutir à un cessez-le-feu, trop fragile néanmoins pour garantir une paix durable entre les deux belligérants.

Le Nagorny Karabakh, région disputée depuis trois décennies

Le blocus du corridor de Latchine

C’est ainsi qu’après un regain des tensions début 2020, un second conflit éclate et se solde par une écrasante défaite de l’Arménie. Erevan se trouve contrainte de céder les territoires azéris mitoyens du Karabakh, resserrant l’étau autour des séparatistes. Après une courte période d’accalmie, les tensions avec Bakou reprennent fin 2022, lorsque les Azéris bloquent la circulation dans le corridor de Latchine, le seul axe routier reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie. En raison des pénuries de nourriture et de médicaments, le blocus fait craindre le risque d’une grave crise humanitaire.

Initialement, Bakou avait assuré que la route était bloquée par des militants écologistes azéris venus dénoncer des mines illégales, avant finalement d’annoncer l’installation d’un point de contrôle. Fin juin, la branche arménienne de la Croix-Rouge a indiqué que les livraisons médicales aux hôpitaux du Haut-Karabakh, ainsi que le transport des patients gravement malades, avaient été suspendus via le corridor. Quelques jours plus tard, selon les gardes-frontières azerbaïdjanais, la circulation avait repris sur cette route. Mais en juin, Nikol Pachinian, qui dénonce une volonté de « nettoyage ethnique » dans la région sécessionniste, s’alarme de livraisons de nourriture « presque à l’arrêt » et de patients empêchés d’aller se soigner en Arménie.

Lancée quelques heures après l’annonce de la mort de quatre policiers et deux civils azéris dans l’explosion de mines, l’opération armée azérie fait craindre un retour d’un conflit entre les deux voisins du Caucase. Les autorités du Haut-Karabakh ont appelé l’Azerbaïdjan au cessez-le-feu et à des négociations. En réponse, l’Azerbaïdjan a proposé des pourparlers avec les Arméniens du Karabakh dans la ville azérie de Yevlakh située à 295 kilomètres à l’ouest de Bakou. Le pays se dit prêt à des négociations si les Arméniens rendent les armes alors même que le Premier ministre Nikol Pachinian assure n’avoir déployé aucune force armée dans la région. « Les forces armées arméniennes illégales doivent hisser le drapeau blanc, rendre toutes les armes et le régime illégal doit se dissoudre. Autrement les opérations antiterroristes continueront jusqu’au bout », a indiqué l’administration présidentielle azérie, faisant écho à sa diplomatie qui réclamait une reddition « totale et inconditionnelle ».



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