Déficit public : la crédibilité du gouvernement en jeu, le RN à l'affût
L’élève a reçu son bulletin de notes. Il n’est pas fameux. Ce 28 mars 2024, le chroniqueur économique de TF1 François Lenglet égrène devant Gabriel Attal une série d’indicateurs implacables. Dans la zone euro, la France occupe le 18e rang sur 20 en matière de déficit et de dette. « Seules la Grèce et l’Italie font pire », se désole le professeur, avant d’ériger notre pays en champion d’Europe des prélèvements obligatoires. Le Premier ministre encaisse et défend son action pour redresser des comptes publics dans le rouge.
Voilà le gouvernement coiffé d’un bonnet d’âne. L’exécutif, chantre du sérieux budgétaire, est épinglé pour ses largesses. Le macronisme est touché en plein cœur. Cette doctrine mouvante a évolué sur bien des sujets. Mais sa compétence économique, pilier politique, a rarement été interrogée. Désormais, elle l’est. « Qu’on approuve ou non notre action, on nous fait gage de crédibilité sur le sujet, observe un cadre de Renaissance. On ne peut pas se permettre de laisser filer cette image. »
Le cancre RN se rebiffe
Au fond de la classe, on ricane. Le Rassemblement national (RN) étrille l’échec d’Emmanuel Macron, « Mozart de la finance ». La formation d’extrême droite agite ce surnom pour railler le chef de l’Etat, banquier d’affaires avant son entrée en politique. Complexe d’infériorité ? Peu fourni en cadres, le RN est trop heureux de prendre en défaut ce surdiplômé qui a réponse à tout. Sur Instagram, Marine Le Pen exhume une interview du 7 décembre 2021. « J’ai longtemps voulu être la bonne élève […]. C’est terminé, affirmait-elle alors sur CNews. Je ne me laisserai plus donner de leçons de crédibilité par des champions du monde du chômage, de la dette et du déficit. »
Le cancre se rebiffe. La cheffe de file frontiste essaie de se défaire d’un procès en incompétence, nourri par ses zigzags idéologiques et sa prestation calamiteuse lors du débat présidentiel de 2017. Par petites touches, elle donne des gages de sérieux, telle cette tribune dans Les Echos sur la dette. La crise budgétaire est pour elle une opportunité. En épinglant l’incompétence supposée du gouvernement, elle tente de disqualifier les critiques sur son propre niveau. Délégitimer le messager pour tuer le message. « Elle essaie d’affaiblir notre image, mais cela ne la rendra pas plus forte », estime une députée Renaissance.
« Qui est le M. ‘Economie’ du RN ? »
Le camp présidentiel reste fidèle à sa ligne. Priorité est de rétablir les comptes pour consolider son socle électoral. Le tout sans hausse d’impôts pour préserver sa cohérence économique, faux jumeau de la compétence. Quelques mauvais chiffres de l’Insee ne vont pas conduire à un revirement stratégique. La Macronie, qui a relégué au second plan l’opposition de valeurs au RN, cible toujours ses carences. Elle raille son projet fluctuant et la faiblesse de son banc de touche. « Qui est le M. ‘Economie’ du RN ? Il y a qui autour d’eux ?, ironise un ministre. Cet argument est plus malin que les renvoyer à l’Histoire. » Un proche du président fustige les leçons d’économie professées par Marine Le Pen. « Retraite à 60 ans, TVA à taux réduit… Demain, elle donne les clefs du pays aux banques ou au FMI. »
Ces mises en garde ont prouvé leur efficacité lors des deux dernières campagnes présidentielles. La crainte de l’aventure économique freine les électeurs âgés, soupçonneux envers la crédibilité du RN. Mais elles peuvent atteindre leurs limites. L’avantage d’un programme, c’est qu’on peut le changer d’un claquement de doigts. Le RN modère son projet, à coups de reniements et de contorsions doctrinales. Jusqu’à devenir une surface de projection lisse, et sans prise pour ses adversaires. Sans propositions irritantes, l’argument de l’incompétence perd en saveur. Je ne dis rien, donc je ne me trompe pas. Et puis le RN n’a jamais exercé le pouvoir. N’étant comptable d’aucun bilan, il se nourrit des échecs de ses prédécesseurs, comme sur la dette, pour convaincre de sa propre solidité. Si le premier de la classe n’arrive pas à résoudre l’équation, pourquoi ne pas envoyer un élève plus modeste au tableau ?