Guerre en Ukraine : arrêtons d'imaginer le pire si Poutine perd

Chars ou pas chars ? A Berlin, Paris et Washington, la décision de livrer des armes lourdes à l’Ukraine n’a toujours pas été prise. Les arguments avancés par le camp du « non » ne manquent pas : peur d’une riposte nucléaire, crainte d’un effondrement du régime de Poutine – qui pourrait amener au pouvoir un dictateur encore plus diabolique -, voire d’un éclatement du pays, avec le risque d’affrontements entre provinces dotées de la force atomique.

Posons toutefois le problème autrement : qui a intérêt à ancrer dans les esprits ces visions d’apocalypse, sinon Poutine lui-même ? « La peur qu’il suscite instille aux Occidentaux l’idée que la situation s’aggravera s’il disparaît. Mais c’est faux ! S’il disparaît, la source de cette peur disparaîtra avec lui », objecte le philosophe ukrainien Constantin Sigov. Mettons donc de côté un instant cette rhétorique qui sert d’assurance-vie à Poutine et lui permet de poursuivre son sinistre projet d’asservissement, pour tenter d’imaginer un futur sans lui.

Provoquer un choc tectonique

D’abord, ce postulat : la dictature n’est pas une fatalité, même en Russie. « Avant la révolution bolchevique, les municipalités faisaient preuve d’initiative, souligne l’historienne Françoise Thom. Les assemblées régionales mises en place par Alexandre II ont ainsi été un succès. Une autre Russie est possible, la « démocratie des petits espaces », comme disait [l’écrivain dissident] Soljenitsyne. »

Une nouvelle gouvernance, décentralisée, donnerait moins de pouvoir au centre impérial du pays, Moscou. Poutine aurait-il pu se lancer dans cette aventure absurde et coûteuse s’il avait dû la justifier auprès de puissants chefs régionaux ? Probablement pas.

Il est trop tôt pour imaginer un « après ». Mais nous ne sommes pas obligés d’envisager le « pire ». Donner des armes lourdes aux Ukrainiens les aiderait à faire un pas décisif, celui qui chasserait l’armée de Poutine de leurs terres. Et provoquerait peut-être aussi ce choc tectonique qui, de Rostov à Vladivostok, donnerait à l’âme russe l’occasion de se racheter. De se relever de la boue morale dans lequel le tyran Poutine l’a plongée.



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