La couche d’ozone se reconstitue : quand on veut, on peut !

Une bonne nouvelle sur le front climatique, enfin ! Trop souvent nous chroniquons notre course effrénée et têtue vers les abîmes, alors, quand une lueur d’espoir se présente, tâchons d’en faire l’écho. Selon les conclusions d’un groupe d’experts parrainé par les Nations unies, présentées lundi 9 janvier, le trou de la couche d’ozone pourrait se résorber entièrement dans les quatre décennies à venir. Et cerise sur le gâteau : l’élimination progressive des substances chimiques qui la détruisent contribue à limiter le dérèglement climatique. Ce résultat est le fruit d’une coopération mondiale inédite qui prouve, si besoin en était, que les négociations environnementales peuvent être efficaces quand on les associe à une volonté politique et économique claire. Pourtant, rien n’était joué d’avance… bien au contraire.

Tout commence dans les années 1970. Des ballons-sondes sont envoyés dans la stratosphère et montrent une baisse graduelle inquiétante des taux d’ozone, notamment dans l’Antarctique. La présence de ce « trou », qui se manifeste aussi périodiquement au Pôle Sud, prouve ce que deux chimistes de l’université de Californie avaient avancé en 1974 : l’effet destructeur sur l’ozone des gaz industriels de type chlorofluorocarbones ou CFC. Ces gaz sont alors abondamment utilisés dans l’industrie du froid et les aérosols. Après une première convention signée en 1985 à Vienne sur l’égide de l’ONU, 24 Etats et la Communauté économique européenne (CEE) signent le Protocole de Montréal en 1987 – aujourd’hui ratifié par 198 pays. L’accord, entré en vigueur en 1989, prévoit une réduction de 50 % en dix ans de l’utilisation des CFC et du gaz halon, autre gaz industriel dangereux pour l’ozone.

La même année, une étude révèle que jamais le « trou » dans la couche d’ozone n’a été aussi important au-dessus de l’Antarctique. Sous la pression de l’opinion publique et des Etats, les grandes firmes chimiques s’accordent pour mettre au point rapidement des substituts aux CFC non dangereux pour la couche d’ozone. Reste que certains gaz utilisés désormais restent de puissants gaz à effet de serre. Certains hydrofluorocarbures (HCF), qui ont remplacé les CFC, ont un effet de serre 14 000 fois supérieur à celui du CO2. En 2016, l’accord de Kigali a donc prévu l’élimination progressive des HFC, utilisés dans les réfrigérateurs et climatiseurs. Si l’accord est respecté, il pourrait réduire de 0,5°C le réchauffement mondial d’ici 2100, ont déjà estimé les experts. Ce texte est, en quelque sorte, un rejeton du Protocole de Montréal. Il s’agit d’un pas important car c’est la première fois qu’un protocole international est amendé pour un objectif, la protection du climat, différent du but initial de ce protocole.

Le Protocole de Montréal, un modèle à suivre

« Au cours des trente-cinq dernières années, le protocole est devenu un véritable fer de lance de la défense de l’environnement », s’est réjouie Meg Seki, la secrétaire exécutive du secrétariat de l’ozone du PNUE. Selon les scientifiques, en l’absence de protocole, les concentrations d’ozone auraient été tellement basses d’ici 2065 que les habitants des moyennes latitudes de l’hémisphère nord auraient attrapé des coups de soleil en 5-10 minutes d’exposition. Aux États-Unis, il est estimé que 443 millions de cancers de la peau et 63 millions de cataractes auront pu être évités. Le protocole de Montréal a également permis de ralentir le changement climatique en évitant l’émission de 135 milliards de tonnes équivalent carbone entre 1990 et 2010.

Comment expliquer un tel succès pour ce Protocole de Montréal ? D’une part, des substituts aux substances appauvrissant la couche d’ozone (SAO) ont été rapidement trouvés, permettant aux industries de conserver en partie leurs procédés habituels. D’autre part, le texte a accordé un délai aux pays en développement pour le mettre en application. Ainsi, si l’utilisation des CFC a été interdite en 1996 dans les pays développés, il ne l’a été qu’en 2010 dans le reste de la planète. De plus, le fonds multilatéral pour l’application du protocole de Montréal a été créé en 1991 par les pays les plus riches pour accompagner les autres dans leur transition.

Ainsi, ce Protocole de Montréal a servi de pionnier pour les accords climatiques car c’était la première fois que des pays se mettaient d’accord sur une action commune en partant d’un constat scientifique. Comme quoi, avec de la volonté de la part des Etats, des industriels et de la population, un changement radical et rapide de nos habitudes à l’échelle planétaire est possible. Mais ne nous leurrons pas trop. Des incertitudes demeurent, et les avancées réalisées sont régulièrement attaquées. L’important, là encore, est de tenir et ne pas relâcher la surveillance. Des mesures ont par exemple montré une recrudescence, entre 2012 et 2019, des émissions de CFC-11, pourtant interdits. Elle a été attribuée en grande partie à des usines situées dans l’est de la Chine, et Pékin, sous la pression des autres pays, a pris des mesures pour stopper l’essentiel de ces émissions.

Depuis, d’autres substances connaissent des émissions inexpliquées. Le point le plus inquiétant réside dans le HFC-23, un gaz à effet de serre 14 800 fois plus puissant que le CO2, dont les rejets sont huit fois plus importants que ceux déclarés par les pays et ne cessent d’augmenter. Les scientifiques ne peuvent entièrement en déterminer la cause, ni identifier les pays responsables. Le succès du Protocole de Montréal est en bonne voie, il mérite toutefois d’être consolidé. Un échec si près du but serait dramatique pour notre planète, pour l’humanité, mais aussi pour toutes les prochaines négociations climatiques.



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