« Nous passerons au peigne fin toutes les dépenses »


La dette française va dépasser 3 000 milliards d’euros. N’est-ce pas le moment de paniquer ?
Certainement pas ! Nous avons une stratégie de maîtrise de nos finances publiques, nous l’appliquons. À la fin du troisième trimestre 2022, la dette française atteint les 113 % de notre richesse nationale. Avec le Président et la Première ministre, nous sommes déterminés à faire baisser la dette à partir de 2026, et à ramener le déficit public sous les 3 % en 2027. Tout simplement parce qu’une dette élevée représente une charge financière importante, surtout quand les conditions de financement changent : hier, l’État français empruntait à 0 %, aujourd’hui à 2,5 %. En conséquence, la charge de la dette est passée de 31 milliards en 2021 à 42 milliards en 2022. Il serait irresponsable de faire peser cette charge sur les générations futures.

Comment en est-on arrivés là ?
En 2017, la dette publique approchait déjà les 100 % du PIB. En 2018, nous sommes revenus sous les 3 % de déficit et nous avons sorti la France de la procédure pour déficits excessifs. Mais nous avons dû faire face à deux chocs exceptionnels : la plus grande crise économique depuis celle de 1929, avec le Covid ; et la plus importante crise énergétique depuis le choc pétrolier de 1973, avec la flambée des prix du gaz liée à la guerre en Ukraine. Nous avons dépensé pour protéger, comme tous les autres États européens. Avec un résultat clair : nous sommes le premier pays de la zone euro à avoir retrouvé notre niveau d’activité d’avant-crise ! Maintenant, nous entrons dans une nouvelle étape.

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Avons-nous d’ores et déjà franchi ce seuil fatidique des 3 000 milliards  ?
Le montant de notre dette à la fin de l’année 2022 sera connu fin mars. Ce qui est important, ce n’est pas le montant absolu de la dette en euros : c’est que cette dette soit soutenable.

Notre stratégie est la plus solide : produire plus que nous ne dépensons. Cela suppose donc de créer plus de richesses

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Justement, comment décélérer en matière de dépenses publiques sans casser la croissance ?
La première stratégie, c’est la stratégie de l’autruche : la tête dans le sable, on ne fait rien. Elle est irresponsable : elle conduirait inéluctablement à des hausses d’impôts. La deuxième stratégie, c’est la hache. Mais personne ne veut tenir la hache, et tous ceux qui le prétendent ne le font pas quand ils arrivent au pouvoir. Par ailleurs, elle est dangereuse, car nous savons d’expérience que la brutalité casse la croissance. Notre stratégie est la plus solide : produire plus que nous ne dépensons. Cela suppose donc de créer plus de richesses : nous sommes en bonne voie puisque notre croissance est positive, que nous avons créé 1,6 million d’emplois en cinq ans et que notre nation est devenue la plus attractive en Europe. Mais cela suppose aussi de freiner la dépense publique.

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Où réduire les dépenses ?
Nous passerons au peigne fin toutes les dépenses publiques : État, collectivités locales, champ social. C’est l’objet de la revue des dépenses que nous engagerons dans les prochains jours sous l’autorité de la Première ministre. Nous ne sommes pas novices en la matière : nous avons rétabli les finances publiques en 2018, en prenant des décisions difficiles par exemple sur les emplois aidés.

Nous devons avoir un débat sur le niveau d’investissement dans l’éducation, comme nous l’avons dans tous les domaines

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Avez-vous déjà des pistes d’économie ?
Interrogeons chacune de nos dépenses. Par exemple, nous ne pouvons pas vouloir décarboner notre économie et maintenir des avantages fiscaux favorables aux énergies fossiles. Rendons nos dépenses cohérentes avec nos objectifs politiques ! Dès le budget 2024, nous pourrons ainsi programmer des réductions de dépenses significatives.

Sur 1 000 euros de dépense publique, 97 sont consacrés à l’Éducation nationale. Ne faut-il pas faire davantage au vu de la situation de notre école ?
Le Président a lancé un chantier majeur de transformation de notre politique éducative. Nous devons avoir un débat sur le niveau d’investissement dans l’éducation, comme nous l’avons dans tous les domaines. Avec un objectif : dépenser mieux en préservant les investissements nécessaires à la nation.

Par exemple, il est indispensable d’augmenter le budget de nos armées, parce que la guerre est de retour en Europe ; ou de soutenir massivement la décarbonation, parce que le coût de l’inaction serait exorbitant. Et parce que ça rapporte ! En ayant investi 8 milliards d’euros par an dans les énergies renouvelables par le passé pour garantir des tarifs aux producteurs, l’État a touché plusieurs milliards en 2022 parce que le prix de l’électricité a explosé. Cela nous permet de financer pour partie le bouclier tarifaire.

La dépense publique n’est pas la réponse à tout. Je souhaite être le ministre qui atteindra le cap, fixé par le Président, du plein-emploi en France en 2027

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

N’est-il pas difficile d’être ministre des Finances au moment où on passe le cap des 3 000 milliards de dette publique ?
Je souhaite surtout être le ministre qui atteindra le cap, fixé par le Président, du plein-emploi en France en 2027 ! La dépense publique n’est pas la réponse à tout : c’est un instrument qui doit être utilisé avec responsabilité et mesure. Elle doit se concentrer sur les dépenses d’avenir, plutôt que sur le fonctionnement. Elle doit offrir à nos compatriotes le service qu’ils sont en droit d’attendre.

Sur la croissance, à quel niveau la voyez-vous d’ici à la fin de l’année ?
La croissance française sera positive en 2023.

Est-on vraiment sortis du quoi qu’il en coûte ? Au vu des aides distribuées ces derniers mois, il est permis d’en douter…
Le quoi qu’il en coûte a été une bonne décision de politique économique du Président. Nous avons utilisé la dépense publique pour éviter une vague de faillites, une explosion du chômage dont la France ne se serait pas relevée. C’était aussi une bonne décision budgétaire : cela nous aurait coûté infiniment plus cher de réparer les dégâts d’un tsunami économique que de construire les digues mises en place. Mais cette réponse massive doit rester une exception.

Le quoi qu’il en coûte est fini

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

C’est donc terminé ?
Le quoi qu’il en coûte est fini. Mais cela ne signifie pas la fin de la protection des plus faibles, des entreprises et des ménages en difficulté. Nous maintenons une protection contre la flambée des prix de l’énergie, pour les Français bien sûr, mais aussi pour nos industries, nos artisans, nos boulangeries. Je renouvelle mon appel aux TPE et PME : elles doivent se déclarer auprès de leur fournisseur d’énergie pour bénéficier des aides !

Mais le bouclier tarifaire, par exemple, n’est toujours pas ciblé ?
Le bouclier tarifaire a gelé les tarifs. En février, il sera resserré puisque nos compatriotes devront supporter une hausse de 15 % de leur facture d’électricité. Sur le carburant, nous avons fait un choix difficile : nous sommes passés d’une remise de 30 centimes pour tous les automobilistes à une aide pour tous ceux qui utilisent leur véhicule pour aller travailler. C’est plus juste et plus cohérent avec nos objectifs d’accompagnement et de transition écologique. Le coût de cette mesure a baissé de 8 milliards à 1 milliard d’euros. Nous sommes donc passés du « quoi qu’il en coûte » à une politique plus ciblée.

Les grands distributeurs ne doivent pas dresser des perspectives sombres et jouer avec les peurs des Français

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Quand prévoyez-vous un ralentissement de l’inflation ?
L’inflation devrait refluer dès mi-2023.

Les grands distributeurs, pourtant, prédisent une augmentation des prix allant jusqu’à 30 % au printemps…?
Nous observons, sur les marchés de gros, une baisse des prix qui se transmettra, lentement mais sûrement, aux prix à la consommation. Je préfère que les grands distributeurs travaillent avec nous, notamment sur notre proposition d’un panier à prix cassé pour les produits de première nécessité, plutôt que de dresser des perspectives sombres et de jouer avec les peurs des Français.

Sommes-nous suffisamment armés pour atteindre vos objectifs de réindustrialisation et décarbonation ?
Prenons la mesure de ce qui se joue en ce moment dans le monde : toutes les grandes puissances se livrent une bataille sans merci pour l’industrie verte. Les États-Unis en tête, avec l’inflation reduction act [loi sur la réduction de l’inflation]. Avec un objectif stratégique : la souveraineté. Voulons-nous rester dans la course ou être dépendants de la Chine ou des États-Unis ?

Le Président a donné une réponse claire : nous voulons être à la pointe des industries vertes. Ce qui suppose des investissements massifs, que nous avons déjà engagés avec France 2030, comme le plan hydrogène, la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, des usines de batteries électriques, notamment dans le Nord. Mais l’argent public ne doit pas tout financer à lui seul : il n’est que le levier de l’investissement privé. C’est tout l’objet du projet de loi que je présenterai en mai.

J’appelle les partis de la majorité, Renaissance, Horizon, MoDem, à faire bloc pour défendre la réforme des retraites

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Combien faudrait-il investir pour que la France remporte cette bataille de l’industrie verte ?
De 60 à 70 milliards d’euros supplémentaires par an pour réussir la transition énergétique. L’État peut en porter une partie mais certainement pas la totalité. Le reste doit venir de financements privés ou des collectivités.

Passons à la réforme des retraites. Aurez-vous sur ce texte une majorité à l’Assemblée nationale ?
J’appelle les partis de la majorité, Renaissance, Horizon, MoDem, à faire bloc. Quand on appartient à une majorité, on soutient les propositions qui faisaient partie du projet présidentiel. Ce projet nous engage tous. D’autant qu’il est conforme à tout ce que nous avons porté depuis près de six ans, et qu’il porte ses fruits : le travail, sa valorisation et le soutien aux carrières plus difficiles ou hachées. Quant aux Républicains, ils disent soutenir cette réforme, tant mieux. J’espère qu’ils tiendront cette cohérence jusqu’au bout…

Toutes les propositions complémentaires seront étudiées, sous réserve qu’elles garantissent l’équilibre financier en 2030

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Répondrez-vous positivement aux demandes d’amélioration des députés ?
Le projet de loi proposé par le gouvernement prend déjà en compte les améliorations apportées par la Première ministre après des discussions avec les parlementaires, les forces politiques, les organisations syndicales et patronales. Toutes les propositions complémentaires seront étudiées, sous réserve qu’elles garantissent l’équilibre financier en 2030.

Faut-il, comme le réclament les députés, revoir les dispositifs qui concernent les femmes, les carrières longues ?
La Première ministre n’a cessé d’enrichir le texte. Personne ne peut dire qu’Élisabeth Borne n’a pas écouté. Le débat parlementaire doit permettre de répondre aux inquiétudes et critiques. Mais nous posons une limite : l’équilibre de notre système à l’horizon 2030 doit être rétabli. La vraie injustice, ce serait de laisser tomber notre système. Cela fragiliserait les femmes, les plus modestes, ceux qui ont eu des carrières hachées. Toute proposition doit donc être accompagnée d’un financement.

Nous demandons à tous nos compatriotes de travailler davantage

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

La réforme semble toujours apparaître comme injuste aux yeux de l’opinion…
Nous demandons à tous nos compatriotes de travailler davantage : on peut comprendre que ce ne soit pas populaire. Mais il est dans l’intérêt des Français que nous nous donnions les moyens de financer notre protection sociale, d’améliorer la situation des retraités, de garantir aux jeunes travailleurs qu’ils auront une retraite. Les projets des oppositions, ce sont plus d’impôts ou plus de dette, une baisse des pensions et du pouvoir d’achat. Parallèlement, nous devons poursuivre notre réflexion sur une meilleure rémunération des salariés et sur le partage de la valeur. Il est légitime que ceux à qui on demande de travailler plus longtemps soient mieux rémunérés. À ce titre, je me réjouis qu’en seulement cinq mois, depuis le vote de la loi pouvoir d’achat, 3,6 millions de Français aient reçu pour 700 euros en moyenne de nouvelle prime Macron.

Le Canard enchaîné a révélé l’existence d’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) pointant la « rentabilité très supérieure » des gestionnaires autoroutiers et proposant que l’État prélève plus de 63 % de leur excédent brut d’exploitation. Vous l’appuyez ?
Nous voulons mettre à contribution les sociétés d’autoroute dans le cadre juridique applicable. Nous l’avons fait dans le projet de loi de finances 2020 : cela nous rapportera plus de 1 milliard d’euros d’ici à la fin des concessions. Ces sociétés s’opposent à cette décision de l’État devant les tribunaux. J’ai donc engagé la bataille. Ce rapport de l’IGF nous sert à livrer ce combat jusqu’au bout pour qu’elles contribuent à la hauteur de leurs moyens.

Je me méfie des partis qui excommunient : ils se transforment rapidement en sectes

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie

Quelles conséquences économiques pourrait avoir la crise dans le détroit de Taïwan ?
Je ne sais pas ce qui se passera à Taïwan. Mais je sais que la France doit être plus indépendante et souveraine. Ce qui serait imprudent, c’est de continuer de dépendre de Taïwan ou du reste de l’Asie pour nos semi-conducteurs, qui sont absolument partout : dans la domotique, les trains, les voitures… Les semi-conducteurs sont le nerf de la vie économique. Investir dans ce domaine est essentiel. C’est pourquoi la décision du géant américain GlobalFoundries d’investir sur le site de STMicroelectronics à Crolles, près de Grenoble, est un succès majeur pour la France.

La patronne d’Europe Écologie-Les Verts, Marine Tondelier, rêve d’une France sans milliardaires. Que vous inspirent ces déclarations qui visent les grandes réussites françaises ?
Je n’aime pas la France des coupeurs de tête. Je me méfie des partis qui excommunient : ils se transforment rapidement en sectes. Je préfère ceux qui rassemblent, qui discutent, qui font une place à chacun : c’est ma vision de la France. Les entrepreneurs que vise Europe Écologie-Les Verts ont créé des dizaines de milliers d’emplois sur notre territoire, soutenu des villes moyennes, remis de l’activité dans ces villes qui en ont besoin, et elles font rayonner partout sur la planète le nom de la France et la culture française. 



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