“L’envol de la Bourse et la réforme des retraites sont deux paris à haut risque”


CAC 40 qui décolle et réforme des retraites en France : ce sont les deux sujets chauds du moment. Et, aussi fou que cela puisse paraître, il existe un lien notable entre ces deux évènements : ils constituent, l’un comme l’autre, des coups de poker particulièrement dangereux. En effet, des blocages durables de l’économie française et une réforme ratée des retraites pourraient engendrer une crise économique, sociétale et politique en France avec de graves conséquences durables pour les entreprises et les particuliers. Et ce, d’autant que le moral des Français se maintient sur des planchers quasiment historiques (source Insee, voir graphique ci-après) et que la classe moyenne s’est fortement appauvrie avec la flambée de l’inflation en 2022.

Autrement dit, l’ampleur de la mobilisation contre la réforme des retraites tient moins à cette dernière qu’au ras-le-bol global des citoyens, après plusieurs trimestres de baisse de leur pouvoir d’achat. En outre, dans un pays où la culture économique est très faible et souvent détournée au profit de la “lutte des classes”, les Français ont du mal à comprendre pourquoi il est nécessaire de combler un déficit des retraites de l’ordre de 12 milliards d’euros par an, alors que depuis le début 2020, la dette publique de la France a flambé de 581,9 milliards d’euros.


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Comme nous n’avons cessé de la dénoncer depuis deux ans, les dirigeants français finissent simplement par subir les excès du “quoiqu’il en coûte” et de la distribution de chèques à la moindre contrariété. Des choix court-termistes qui ont pu laisser croire que “l’argent magique” existait vraiment et qu’il “tombait du ciel”. A force d’avoir usé à l’envi de la stratégie du “déni de réalité” et de la “fuite en avant” permanente, l’heure du paiement des factures est donc bien arrivée.

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D’ailleurs, comme nous l’expliquions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, le coût économique d’une journée de grève dure (c’est-à-dire avec blocage des transports et de l’économie nationale) oscille entre 1,5 et 2 milliards d’euros de créations de richesses (ou encore de PIB) en moins. Mais, attention, si les conflits sociaux se multiplient et s’enlisent, le coût économique pourrait rapidement s’amplifier, aggravant la récession qui s’est installée dans l’Hexagone depuis le quatrième trimestre 2022. Une évolution qui ne manquerait évidemment pas de peser à la hausse sur les défaillances d’entreprises, puis sur le chômage.

Et tout ça pour quoi ? Pour une réformette qui, même si elle votée, ne permettra pas de sauver définitivement la retraite par répartition à la française. En effet, comme toutes les “réformes” des retraites qui ont été menées en France depuis plus de 20 ans, celle qui nous est proposée aujourd’hui table sur une croissance économique annuelle d’au moins 2% et un taux de chômage de 5%. Or, la croissance structurelle de l’économie française est d’au mieux 0,9% et le taux de chômage avoisine les 7,3% au sens du Bureau International du Travail.

Bien plus grave, celui-ci atteint 12,6% si on intègre le halo du chômage (c’est-à-dire les personnes sans emploi mais qui ne sont pas disponibles et/ou ne font pas de recherche active) et 16,5% si on inclut les chômeurs à temps partiel. C’est dire l’ampleur des dégâts pour les cotisations retraites et les pensions actuelles et à venir…


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En d’autres termes, le coup de poker d’une réformette risque de coûter très cher à l’ensemble de l’économie française. En outre, si cette dernière plonge à cause des blocages et que, face à l’ampleur des dégâts, la réforme des retraites est annulée ou vidée de sa maigre substance, la crédibilité du gouvernement français sur sa capacité à moderniser l’économie nationale sera encore fortement affaiblie, ce qui pèsera à la hausse sur les taux d’intérêt des obligations d’Etat. Déjà douloureuse, la récession s’aggravera alors et une nouvelle crise de la dette publique s’installera en France, puis dans l’ensemble de la zone euro, ce qui finira par peser négativement sur les marchés boursiers.

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Le récent pari de nombreux investisseurs sur le rebond en Bourse pourrait alors rapidement être contrecarré. Et ce, d’autant plus si la récession mondiale perdure et si l’inflation reste élevée. Après avoir flambé de 9% depuis le 2 janvier 2023 et de 24% depuis le plancher de septembre 2022, le CAC 40 pourrait alors fortement chuter.

CAC 40 : évolution des cours ACDEFI (Sources : Euronext, ACDEFI)

A cet égard, n’oublions pas que la valeur d’une action reflète les dividendes futurs actualisés, c’est-à-dire divisés par le taux d’intérêt. Si la récession s’installe, les premiers reculeront alors que le second augmentera davantage, notamment à cause du maintien d’une inflation élevée. Or, si le numérateur baisse alors que le dénominateur progresse, le résultat, en l’occurrence le cours des actions, régresse automatiquement.


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De plus, n’oublions pas que le Price Earning Ratio (PER) du CAC 40 (c’est-à-dire la valeur des actions rapportée aux profits) avoisine les 24, contre un niveau empiriquement considéré comme normal de 12. Certaines entreprises cotées à Paris affichent même des PER bien plus élevés : 52 pour Hermès, 34 pour Safran, 33 pour L’Oréal, 26 pour LVMH et Vivendi… De quoi justifier de belles corrections.


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Enfin, le fort rebond des cours de l’or, à plus de 1 900 dollars l’once ces derniers jours montre bien que les investisseurs restent inquiets et qu’un mini-krach en Bourse pourrait bientôt s’imposer. Que ce soit sur le front de la réformette des retraites qui risque de susciter une crise économique, politique et sociétale majeure dans notre “douce France”, ou encore en matière de flambée en Bourse excessive, les coups de poker respectifs du gouvernement français et de nombreux opérateurs financiers pourraient donc s’avérer perdants. A suivre…

Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI, auteur de 8 best sellers économiques, dont « RESET II – Bienvenue dans le monde d’après », en tête des ventes des essais économiques sur Amazon depuis sa sortie le 1er septembre 2022

Marc Touati

Vous pouvez également retrouver ses chroniques vidéos sur sa chaîne Youtube , dont la dernière : Réforme des retraites et rebond de la Bourse : dangereux coups de poker



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